Que font les abeilles en hiver : hibernent-elles vraiment ?
Contrairement à l'idée largement répandue, les abeilles ne hibernent pas en hiver. En réalité, elles adoptent une série de stratégies sophistiquées pour survivre aux conditions glaciales, en particulier dans les régions nordiques telles que le Québec, où les hivers peuvent être longs et rudes. Ces petites créatures ne restent pas inactives durant les mois froids ; au contraire, elles mettent en place un processus fascinant qui leur permet de maintenir leur activité et de garantir la survie de la colonie jusqu'à l'arrivée du printemps.
La formation de la grappe hivernale
L'hiver commence pour les abeilles dès que la température extérieure chute sous les 10°C. En réponse à ce froid, elles cessent de voler et se regroupent en une formation serrée appelée grappe hivernale. Ce regroupement a pour but de conserver la chaleur et de maintenir une température intérieure constante, autour de 20 à 35°C, essentielle pour la survie de la reine et des abeilles restantes.
Les abeilles qui se trouvent à l’extérieur de la grappe jouent un rôle crucial dans l’isolation thermique de la colonie. Elles se serrent les unes contre les autres pour créer une couche protectrice. En revanche, celles situées au centre de la grappe génèrent de la chaleur en vibrant de leurs muscles thoraciques. Ce processus est vital car il permet de conserver une température suffisamment élevée pour protéger la reine, qui reste au centre de la grappe, ainsi que pour permettre aux abeilles d’accéder à leurs réserves alimentaires.
Gestion des réserves alimentaires
Durant la période hivernale, les abeilles ne quittent pas la ruche. Elles se nourrissent exclusivement des réserves de miel qu'elles ont stockées suite au nourrissage d’automne par l’apiculteur. Ce miel est consommé progressivement au fil de l'hiver, au fur et à mesure que les abeilles se déplacent lentement à travers les cadres de la ruche. Ces réserves sont d'une importance capitale pour la survie de la colonie, car elles fournissent à la fois la nourriture et l'énergie nécessaires pour maintenir l'activité de la grappe.
Pour assurer une bonne survie hivernale, il est essentiel que chaque ruche dispose de suffisamment de provisions. En général, les apiculteurs veillent à ce que chaque colonie possède entre 20 et 30 kg de miel / sirop 2:1. Si les abeilles manquent de nourriture avant le printemps, elles risquent de mourir de faim. C'est pourquoi une gestion minutieuse des stocks de miel est cruciale.
Différences entre les abeilles estivales et hivernales
Les abeilles d’été, qui travaillent sans relâche à la collecte de nectar et de pollen, ont une durée de vie relativement courte, généralement entre 30 et 45 jours. Leur rôle est de maintenir la ruche en activité durant la période chaude. En revanche, les abeilles hivernales, nées en automne, possèdent un métabolisme différent. Elles sont spécifiquement adaptées à survivre au froid. Ces abeilles ont une espérance de vie beaucoup plus longue, pouvant atteindre six mois, grâce à une alimentation riche en protéines et en lipides qui leur permet de passer l'hiver sans être affectées par la pénurie de nectar.
Les abeilles hivernales sont donc essentielles pour maintenir la colonie pendant la période la plus froide. Elles ne collectent pas de nectar, mais elles assurent la régulation thermique de la grappe et contribuent à la protection de la reine.
L’importance du positionnement de la grappe
Une autre caractéristique fascinante du comportement hivernal des abeilles est la manière dont elles organisent leur grappe. Les abeilles se regroupent de manière stratégique autour des réserves alimentaires pour y accéder facilement tout au long de l'hiver. Elles commencent généralement par se positionner près des zones de miel disponibles, et au fur et à mesure que ces réserves sont consommées, elles se déplacent lentement vers les autres parties de la ruche.
Toutefois, en cas de vagues de froid extrême, la grappe peut rester immobile pendant de longues périodes, rendant les réserves de miel moins accessibles. Cela augmente le risque de famine si la grappe ne parvient pas à se déplacer vers des zones encore riches en miel.
Facteurs de mortalité hivernale
Malgré leurs stratégies d'adaptation, l'hiver reste une période difficile pour les abeilles, et un taux de mortalité de 5 à 10 % des colonies est considéré comme normal au Québec. Plusieurs facteurs peuvent influencer ce taux de survie :
Manque de réserves alimentaires : Si une colonie n'a pas accumulé suffisamment de miel pendant l'été, elle risque de mourir de faim avant la fin de l'hiver. C'est pourquoi il est essentiel que les apiculteurs surveillent régulièrement les stocks de miel et veillent à ce que les abeilles aient accès à des réserves suffisantes.
Humidité excessive : Une mauvaise ventilation de la ruche peut entraîner une accumulation d'humidité, ce qui peut provoquer des maladies fongiques et augmenter les risques de refroidissement excessif. L'humidité peut également avoir un impact direct sur la santé des abeilles, en particulier sur la formation de la grappe hivernale.
Nosémose : La nosémose, une infection intestinale causée par le parasite Nosema apis ou Nosema ceranae, peut également affecter les abeilles durant l'hiver. Cette maladie provoque des diarrhées et affaiblit les abeilles, ce qui peut réduire leur capacité à maintenir la chaleur et à se nourrir correctement pendant la saison froide.
Prédateurs et parasites : Le varroa, un acarien parasite, est un autre facteur majeur de mortalité hivernale. Ce parasite affaiblit les abeilles avant l'hiver, ce qui diminue leur chance de survie pendant la période hivernale. Une infestation de varroa peut compromettre la capacité des abeilles à maintenir la grappe et à gérer leurs réserves.
Le rôle de l’apiculteur dans la préparation à l’hiver
Pour maximiser les chances de survie de leurs colonies, les apiculteurs jouent un rôle essentiel dans la préparation des ruches pour l'hiver. Voici quelques-unes des mesures qu'ils prennent pour garantir que leurs abeilles passent l'hiver en bonne santé :
Assurer des réserves suffisantes : Les apiculteurs veillent à ce que chaque ruche ait suffisamment de nourriture, miel et ou sirop 2:1 . Ils évitent de récolter tout le miel, laissant une quantité suffisante pour nourrir les abeilles.
Réduire l’humidité : Une bonne ventilation est cruciale pour prévenir l'accumulation d'humidité à l'intérieur de la ruche. Cela peut être accompli en utilisant des couvre-ruches spéciaux ou en plaçant des isolants pour réduire l'humidité.
Protéger les ruches du froid extrême : Les apiculteurs isolent souvent leurs ruches en hiver, en les entourant de matériaux qui offrent une protection contre les températures glaciales. Cela peut inclure l'utilisation de couvertures ou de coussins isolants qui aident à maintenir une température stable à l'intérieur de la ruche.
Traiter contre les parasites : Avant l'hiver, les apiculteurs traitent les colonies contre les parasites comme le varroa, afin de limiter les risques d'infection pendant l'hiver. Un traitement précoce est crucial pour réduire la pression parasitaire pendant les mois froids.
Conclusion : un hiver difficile, mais gérable
En dépit des conditions de froid extrême, les abeilles ont développé des mécanismes complexes et fascinants pour survivre à l'hiver. Leur capacité à former une grappe hivernale, à gérer leurs réserves de miel et à s'adapter à des métabolismes différents selon la saison est un témoignage de leur résilience. Toutefois, ces stratégies sont soumises à divers facteurs de risques, tels que la mauvaise gestion des réserves alimentaires, l'humidité excessive, ou les parasites.
Pour les apiculteurs, comprendre ces mécanismes et prendre les mesures adéquates est essentiel pour assurer la survie des colonies. En garantissant des réserves suffisantes, une bonne ventilation, une isolation appropriée et un traitement contre les parasites, il est possible de maintenir une colonie en bonne santé et prête à redémarrer son cycle au printemps.
Au Québec, bien que les pertes hivernales soient courantes, elles peuvent être minimisées grâce à une gestion proactive et à une attention constante. Les abeilles ne hibernent donc pas, mais elles survivent à l'hiver grâce à des stratégies ingénieuses qui assurent la continuité de la colonie pour la saison suivante.
Que font les abeilles en hiver : hibernent-elles vraiment ?